Reggie Ugwu
Lorsque la société de médias soutenue par les célébrités Religion of Sports a été fondée par Tom Brady, Michael Strahan et Gotham Chopra en 2018, se lancer dans le secteur des podcasts alors en évolution rapide était une évidence.
Après avoir produit une panoplie de documentaires, elle a lancé son premier podcast, « Now for Tomorrow With Deepak Chopra » animé par le père de Gotham en 2020. Elle a recruté plus d'une dizaine de producteurs audio et a créé une large variété d'émissions, des talk-shows aux émissions dramatiques. (six ont été diffusées, notamment « In the Moment With David Greene » et « False Idol ».)
Toutefois, après que les secteurs des médias et des technologies ont commencé à battre de l'aile en 2022 en raison de la crise du marché publicitaire et de la crainte d'une récession imminente, les responsables de Religion of Sports ont changé de position. Au début du mois précédent, les employés spécialisés dans les podcasts de la société ont été informés de leur licenciement et de la fermeture de la division de l'audio, selon deux employés qui étaient au courant de la décision. Ils ont demandé l'anonymat de peur d'enfreindre un contrat de licenciement. Le directeur général, Ameeth Sankaran, n'a pas répondu aux multiples demandes de commentaires.
La perte des ambitions de Religion of Sports en matière d'audio est le dernier signe du gel du secteur des podcasts autrefois en pleine effervescence. Spotify a dépensé plus de 1 milliard de dollars au cours des dernières années dans l'acquisition de sociétés de production et la signature de contrats exclusifs avec des célébrités telles que Joe Rogan et Kim Kardashian. Cependant, en janvier, la société a réduit le nombre de personnel chargé des podcasts pour la troisième fois en cinq mois, et la directrice de contenu, Dawn Ostroff, a démissionné.
« l'ère des investissements irréfléchis est terminée », a déclaré Eric Nuzum, un stratège spécialisé dans les podcasts et un co-fondateur du studio indépendant Magnificient Noise. « Les gens jetaient leur argent simplement pour voir s'ils pouvaient en gagner et attirer de l'audience rapidement. Mais aujourd'hui, tout le monde est plus prudent. »
La fermeture de la division de l'audio de Religion of Sports dont les co-fondateurs sont Michael Strahan (s'est retiré) et Tom Brady, est le dernier signe du gel du secteur de podcasts autrefois en pleine effervescence.
Deux autres principaux éditeurs de podcasts, Vox Media et Pushkin Industries, ont également annoncé des licenciements le mois dernier. En outre, Amazon, SiriusXM, NPR et Spotify ont tous réduit les budgets consacrés aux podcasts au cours de l'année dernière, laissant parfois passer des contrats coûteux ou annulant d'autres contrats avant leur échéance.
Bien que de nombreuses sociétés continuent à investir dans les podcasts, et que le nombre de téléchargements continue à augmenter, des interviews avec une dizaine de responsables et de producteurs de podcasts, actuels et anciens, ont indiqué une hausse de réticence chez les éditeurs à financer des projets sans rentabilité claire à court terme. Les podcasts narratifs de courte durée ou saisonniers, qui disposent d'une période limitée pour attirer une audience et des annonceurs publicitaires, sont particulièrement surveillés.
Chez NPR, même les émissions de longue durée et à succès telles que « Planet Money » ont réduit les reportages à forte demande de ressources et se sont appuyées davantage sur les rediffusions afin de réduire les coûts.
« Le besoin consistait à faire moins avec moins », a déclaré un producteur de la société, qui a souhaité rester anonyme, car il n'était pas autorisé à discuter publiquement du sujet. NPR a annoncé le gel du recrutement novembre dernier. Ses programmes de stages d'été et de bourses ont été interrompus pour une durée indéterminée.
La forte progression du taux d'écoute des podcasts et les manœuvres agressives des entreprises aux gros moyens ont contribué à la première évolution. Depuis 2014, l'année de lancement de « Serial », le taux d'Américains 12 et plus qui ont écouté un podcast est passé de 30 % à 62 %, pour un total de 177 millions, selon un rapport publié l'année dernière par la société d'analyse Edison Research. En 2018, Spotify a commencé à acquérir les droits exclusifs de podcasts pour attirer de nouveaux utilisateurs et diversifier ses activités. Amazon a suivi le même chemin, en proposant une variété de podcasts originaux et exclusifs pour ses services Audible et Amazon Music.
Les gains des éditeurs de contenu ont considérablement augmenté. Spotify a payé 230 millions de dollars à Gimlet Media en 2019 et environ 200 millions de dollars supplémentaires à The Ringer, la société des médias de sports de Bill Simmons, en 2020. Plus tard cette année-là, alors que les consommateurs passaient encore plus de temps à écouter des podcasts pendant la pandémie, Amazon a acheté le studio de podcasts populaire Wondery pour 300 millions de dollars, tandis que SiriusXM a payé 325 millions de dollars pour la plateforme et l'éditeur Stitcher.
Les podcasts individuels avec des animateurs populaires ont atteint des sommes tout aussi élevées. Spotify a dépense plus de 200 millions de dollars pour « The Joe Rogan Experience » en 2020 et 60 millions de dollars pour « Call Her Daddy » d'Alex Cooper en juin 2021. Au cours du même mois, Amazon a payé jusqu'à 80 millions de dollars pour « Smartless » animée par les acteurs Will Arnett, Jason Bateman et Sean Hayes, selon Bloomberg.
Outre la publicité traditionnelle, les plateformes espéraient récupérer leurs investissements grâce à des stratégies incluant des offres d'abonnements haut de gamme et des contrats de propriété intellectuelle avec Hollywood. Toutefois, les audiences étaient très peu à adhérer aux abonnements payants pour un contenu qu'elles avaient l'habitude d'obtenir gratuitement, et la création de films et de programmes télévisés - une science manifestement inexacte - ne constituait pas une source de revenus fiable.
L'année dernière, alors que des facteurs macroéconomiques ont freiné les dépenses publicitaires, assombrissant les prévisions à la fois des nouvelles entreprises de contenu, comme Facebook, et des entreprises traditionnelles, comme Warner Bros. Discovery, les responsables de podcasts autrefois optimistes ont commencé à ralentir.
« La première mesure que prennent les marketeurs lorsqu'ils prévoient une crise est la réduction de leurs budgets », a déclaré Brad Adgate, un conseiller indépendant en matière de médias. « Si la publicité est votre source de revenus principale, vous regardez le rapport des revenus du prochain trimestre et réfléchissez à un moyen de concrétiser vos chiffres. »
L'année dernière, Sportify a refusé de renouveler son contrat de licence avec la société des Obama, Higher Ground Productions qui produit « The Michelle Obama Podcast ».
En avril, Spotify a refusé de renouveler son contrat de licence avec la société des Obama, Higher Ground Productions, qui a créé « The Michelle Obama Podcast » et « Renegades : Born in the USA » avec Barack Obama et Brume Springsteen - et a ensuite annulé 11 de leurs autres émissions. (Higher Ground a annoncé un nouveau contrat avec Amazon en juin dernier.)
L'un des programmes populaires touchés par la crise des podcasts était celui de la star de « Dawson's Creek » James Van Der Beek. En juillet 2022, Stitcher de SiriusXM a annulé les plans d'une émission rétrospective qui devait être animée et produite par l'acteur, qui a rapidement attaqué la société en justice pour rupture de contrat.
Un porte-parole de SiriusXM a refusé de faire tout commentaire. Mais la réponse de la société, accessible au public, fait valoir qu'« aucun contrat écrit n'a jamais été signé par les parties et qu'aucun accord contraignant n'a été conclu. »
Selon une personne bien informée du côté de Stitcher, qui a discuté des négociations confidentielles en préservant l'anonymat, l'éditeur s'est montré réticent à l'égard du programme, pour lequel il aurait versé une somme minimale de 700 000 $ à Van Der Beek et 50 % de revenus de publicité nets, après que plusieurs de ses podcasts n'aient pas atteint les projections de revenus.
« Nous avons vu des émissions dont le taux de distribution aurait pu être 70 % mais qui a plutôt atteint 50 % », a déclaré cette personne, en faisant référence au taux d'inventaire disponible que la société vend aux annonceurs publicitaires.
Les responsables de Stitcher étaient en plus préoccupés par les défis que pose le podcast de Van Der Beek. L'acteur avait exclu de façon anticipée les publicités pour certaines entreprises de matelas et d'autres catégories de produits populaires et avait exprimé son désir de structurer l'émission autour des thèmes plus larges de « Dawson's Creek », un format que l'éditeur considérait moins commercial qu'une formule de récapitulation traditionnelle par épisode.
Dans une interview, Van Der Beek a confirmé les exclusions de la marque et son intention de créer un « podcast atypique » qui « apporterait une nouveauté au secteur ». Mais il a rajouté que les responsables du service des publicités de Stitcher avaient adopté sa vision.
« Après 30 ans dans cette société, je sais que vous ne pouvez pas créer de contenus créatifs si vous n'en tirez pas de l'argent », a-t-il déclaré. « J'aime travailler avec des marques et apporter de la valeur ».
Un programme populaire touché par la crise des podcasts était une émission de l'acteur James Van Der Beek dont le contrat avec Stitcher de SiriusXM a été rompu l'année dernière.
Certains analystes de podcasts ont affirmé que les restrictions font partie du cycle normal de l'évolution d'un nouveau média.
« La baisse des investissements directs dans le contenu n'est pas nécessairement un signe inquiétant », a déclaré Lauren Jarvis, ancienne responsable des partenariats de contenu chez Spotify, qui a supervisé l'acquisition de Joe Rogan et d'autres contrats avant de quitter la société en 2021. « Cela pourrait signifier que le secteur a connu une croissance importante et qu'il peut s'adapter à un modèle d'investissement plus durable. »
Nuzum de Magnificient Noise est optimiste, car la demande globale de podcasts est en hausse. Selon un rapport récent de la société d'analyse Triton Digital, les téléchargements de podcasts aux États-Unis ont augmenté de 20 % l'année passée comparé à l'année précédente.
« S'il y a de l'audience, l'activité se porte bien », a déclaré Nuzum. « La société s'en sortira toute seule ».
The New York Times
Par : Reggie Ugwu